" Chorus " Les cahiers de la chanson - Printemps 2009

De bouche à oreille DISQUES
** " C'est de la chanson pour " butiner des instants, picorer des moments, libelluler du temps, rêver, oser enfin se défaire du présent ".
Ca va vite, c'est nerveux, presque instinctif, à toujours choper la sonorité des mots, saisir la parole du soufflet à bretelles, Pascale Brunetti chante et Jean-Luc Brunetti accordéonne. Des bruits ici et là font ponctuation. Et la contrebasse de Pascal Berne persistance. Deux Brunetti ont tenté la fusion de leurs arts respectifs, longtemps distincts. Et c'est un résultat joyeux qui nous transporte sur d'autres portées de la chanson, en d'autres repères : c'est une conversation entre une (bien jolie) voix et un instrument… C'est fou ce qu'ils ont à se dire… "

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Imaginez.

Vous êtes dans votre maison douillette. Négligemment vous insérez un disque dans l'appareil. Vous vous calez dans un fauteuil, seul. Le temps d'un silence, une musique telle une fragrance emplit la pièce ; c'est /Attrape-temps /parfum d'album N°1 de chez /Brunetti & Brunetti/.


Imperceptiblement, les murs ondulent, le toit s'ouvre comme le couvercle d'une boîte à musique sur un ciel floconneux, transparent et chaud.
Les voilages aux fenêtres flottent, les amarres sont larguées ; vous voilà naviguant sur des airs hypnotiques. Le souffle des mots aux sens énigmatiques instillés à votre ouïe vous pousse plus loin encore, vous voguez en vous sur des réminiscences invisibles.
Tentant de percer le mystère, vous portez à votre oreille une longue-vue et entendez comme dans un kaléidoscope sonore des pépites poétiques et musicales hors du temps.


Intrigué, vous vous approchez du rivage d'où viennent ces sons profonds. Au loin trois silhouettes se découpent sur un ciel acidulé et changeant ; deux hommes bien ancrés sur le ponton, l'un assis tient dans ses bras un énorme soufflet, l'autre debout un immense arc (un peu trop embarqué dans vos rêveries, vous réalisez bêtement que se sont pour l'un, un accordéon et pour l'autre, une contrebasse !) ; au milieu des deux solides instrumentistes, une femme élégante, debout presque sur la pointe des pieds, dessine avec précision de sa voix grave des arabesques de mots. Sa silhouette suit simplement et délicatement son chant funambule à travers l'espace.

Le trio rayonne de toutes leurs longues expériences de musiciens. Ils œuvrent subtilement. Accrochés à la grande aiguille du temps qui tourne en boucle (musicale), on sent qu'ils désirent le freiner et nous dire : paressez mieux pour profiter mieux.


Vous sentez alors que vous n'êtes plus seul dans votre fauteuil, autour de vous, d'autres personnes vous ont rejoint pendant le voyage et applaudissent avec  vous. La classe !


Philippe Nesme
Metteur en scène